LA VRAIE NATURE DU PARDON!
Heureux sont ceux qui ont perdu toute rancœur et dont l’espace intérieur est émancipé des résistances à la suite des offenses perçues et reçues en cette vie. Leur cœur va, affranchi et léger, il n’est plus attaché à ses souvenirs, il a pardonné. Ce pardon, cet acte de « donner complètement », de remettre son ressentiment, est puissance libératrice. En éclaircissant notre pensée, en déliant notre bonté et notre créativité, en améliorant la qualité de nos relations, le pardon s’offre en tant que clé de voûte sur notre chemin spirituel, car porteur du flambeau d’Amour que nous sommes.
Si vous lisez ces lignes, il se peut que votre cœur souhaite ardemment se libérer des ressacs d’un quelconque ressentiment. Lorsque nous en voulons à autrui, à nous-mêmes ou à la Vie, nous encombrons nos espaces de voiles nous éloignant du déploiement immanent de nos potentialités. Souvent dans l’espoir de nous préserver de souffrances supplémentaires, nous nous imposons des limites à force de croyances, de jugements et de peurs qui retiennent les rancunes dans nos cellules. Or, notre nature est de grandir et la Vie, telle la marée, nous repousse inévitablement vers le rivage des retrouvailles avec notre Être véritable.
Pour qu’il y ait appel au pardon…
Pour qu’il y ait appel au pardon, il doit d’abord y avoir eu offense ou faute entraînant ou réveillant une blessure profonde, des émotions et des sentiments douloureux comme la tristesse, la peur, la colère, la trahison, l’abandon, la solitude, etc. Sans faute ou perception de faute et sans blessure ou affection profonde, nul besoin de pardon, point final. Je vous propose ici de remonter à la source de ce double prérequis afin d’entrevoir comment, d’un point de vue conscient, nous pouvons poser un regard différent sur ce qui se déploie à l’intérieur de nous lorsque nous nous sentons lésés. Mon souhait est d’offrir ici un espace d’ouverture permettant d’embrasser différemment la notion de faute et d’accompagner nos ressentis de façon consciente et responsable.
Il doit y avoir eu offense ou faute
Permettez-moi de déposer mon propos à la porte de votre cœur à l’aide du conte qui suit, que j’espère mignon et succinct.
Il était une fois un bébé arbrisseau et une fleur qui grandissaient en interaction mutuellement bénéfique. En effet, l’odeur exquise de la fleur avait éloigné les insectes nuisibles à l’arbrisseau et leur proximité physique avait également favorisé la vitalité de la fleur. Chez la fleur, chez l’arbrisseau, point de mental pour inventer la contribution d’une entente, d’un but, d’une dette, d’un dû. Puisque chacun évoluait selon sa nature, qui aurait pu prétendre à un échange de services? Pour qu’il y ait contrat, il doit y avoir une intention. Or, à travers eux s’expérimentait la Source infinie d’Amour pure potentialité, simplement le déploiement naturel de ce qui Est, dans toute la fraîcheur de sa spontanéité.
On le sait, les bébés arbrisseaux grandissent et celui-ci était particulièrement vigoureux! Il fit bientôt ombrage à la fleur qui commença à dépérir. La fleur se dit-t-elle alors : « Il y a eu erreur, ce n’était pas un arbrisseau pour vivre près de moi, après tout ce que je lui ai évité, me voilà trahie! »? Qui aurait pu prétendre au bris d’un accord, à une offense, à une attaque personnelle? Sans l’intervention d’un mental, nulle histoire de ce genre; que l’évidence de la Vie se déployant au gré des saisons!
Un grand sourire éclaire mon visage à ce point-ci, car vous me suivez, là, bien sûr!
Tout comme la fleur et l’arbrisseau, nous sommes la Vie, nous sommes la Nature qui se manifeste d’une façon unique à travers chacun d’entre nous. Une fois incarnés, nous ne choisissons pas ce qui sous-tend nos choix : notre personnalité, notre corps, nos préférences, nos valeurs, nos niveaux de conscience, nos blessures d’enfance, notre persévérance, notre résilience, notre maturité, l’ouverture de notre cœur, notre capacité à apprendre, notre envie de grandir, etc. La Vie n’a aucune visée et pourtant, elle accompagne inexorablement et parfaitement notre croissance intérieure, dont le potentiel est inhérent à ce que nous sommes. Telles des fleurs, tels des arbrisseaux, nous évoluons et en tant qu’êtres vivants, nous devenons de plus en plus conscients au fil de nos incarnations. Qui serions-nous pour insinuer qu’au travers de nos expériences, la Nature s’est trompée?
Entraînant des émotions et des sentiments douloureux
Rappelons-nous un instant : pour qu’il y ait appel au pardon, il doit d’abord y avoir eu offense ou faute entraînant des émotions ou des sentiments douloureux. Une fois l’illusion de faute démasquée au profit de la réalisation que la Vie n’a pas d’intention, les marques cellulaires de blessures, d’émotions et de sentiments poignants demeurent tout de même à l’intérieur de nous.
Vous avez sans doute déjà remarqué que nous éprouvons des sensibilités particulières à certains enjeux (ex. : l’abandon, le rejet, la trahison, la comparaison, etc.) et qu’elles varient d’une personne à l’autre. Une fois les blessures sous-jacentes transmutées, nos sensibilités disparaissent comme par magie, car ce qui ne trouve plus de résonance à l’intérieur de nous ne peut plus faire de bruit. Le maintien et la libération de nos fragilités actuelles sont tributaires de notre investissement présent dans notre affranchissement et non de stimuli du passé. Il importe donc de prendre la responsabilité de nos ressentis en coupant toute causalité extérieure. En d’autres mots, nous devons cesser d’attribuer la faute de nos émotions à autrui et nous engager à les accompagner assidûment, tout en Présence, à partir de notre conscience aimante. Il s’agit là de la première étape menant à la transmutation des blessures faisant obstacle au vrai pardon.
Il n’est pas toujours facile d’accéder à nos ressentis et d’en prendre la responsabilité. Les émotions et les blessures, une fois éprouvées, peuvent être maintenues hors de notre conscience par habitude, par crainte d’une explosion émotionnelle, par faible tolérance à l’inconfort, etc. Elles s’accumulent alors et macèrent dans nos vieux barils intérieurs. Quand ces barils sont pleins, une goutte les fait déborder et nos réactions peuvent sembler inadaptées ou disproportionnées.
De plus, le petit « je » qui se croit séparé de la Source peut raffoler des drames intérieurs et des contraintes ainsi créées; en s’identifiant aux émotions, aux croyances et aux conditionnements, il pérennise l’illusion de son existence [1]. Ainsi, il lui arrive de s’agripper aux douleurs récentes ravivant des écorchures du passé. Ces douleurs se transforment en souffrance lorsque le mental offre des interprétations éloignant notre conscience individuelle des ressentis intérieurs qui demandent à être accompagnés.
Proposons donc un moyen simple et efficace pour vider en conscience nos vieux barils d’émotions par le biais d’une démarche éprouvée [2]. Après avoir coupé la causalité extérieure, il s’agit de demeurer en conscience avec la sensation brute de l’émotion dans notre corps.
- Fermez les yeux et enracinez-vous bien dans le sol.
- Localisez et voyez la forme que l’émotion prend dans votre ressenti corporel et définissez précisément ses contours en trois dimensions. À titre d’exemple, délimitez l’espace qu’occupe la peine ressentie comme une boule dans votre gorge.
- Placez votre conscience sur cette sensation brute telle une lampe de poche. Ce qui importe ici est que la conscience « voie » l’émotion dans votre corps. Dans l’exemple ci-dessus, la conscience verrait et accompagnerait la boule dans la gorge.
- Ne succombez pas à la tentation du mental d’alimenter l’émotion avec des histoires ou des causalités. Malgré les apparences, les émotions ne sont pas causées par les déclencheurs externes, mais plutôt ils les réveillent.
- Ne tentez pas de faire disparaître la sensation corporelle liée à l’émotion, ne souhaitez pas non plus sa dissolution. Elle a besoin d’être vue, qu’on la laisse exister, alors dites-lui un grand « OUI »!
- Restez totalement en contact avec le ressenti de l’émotion dans votre corps. Si cette sensation change de forme ou d’endroit, suivez-la tout bonnement avec la lampe de poche de votre conscience aimante.
Après un moment, vous verrez la sensation s’estomper. Votre baril aura été vidangé d’une part plus ou moins grande de cette émotion, par le seul fait d’être demeuré avec son ressenti corporel brut. Cet exercice pourra être renouvelé de façon répétée avec de nouvelles émergences émotionnelles.
Voici en bonus une variante à cette démarche que j’ai maintes fois pratiquée et qui a démontré son efficacité auprès des personnes qu’il m’est donné d’accompagner.
- Placez-vous en état de méditation puis, en tant que conscience, devenez un petit bonhomme déambulant sur la forme qu’a pris l’émotion dans votre corps. À titre d’exemple, il pourrait s’agir d’un nuage autour du cœur, d’un étau serrant la tête, d’un bloc de béton au plexus, etc.
- Offrez à cette forme votre présence corporelle aimante. Touchez-la, que chaque atome de votre corps de petit bonhomme contacte chaque parcelle de cette manifestation corporelle et énergétique. Faites l’unité avec elle, aimez-la à la folie, infiniment, inconditionnellement!
- Voyez le feu de votre amour transmuter ou carrément transcender ce qui était souffrant. Vous serez alors émerveillé devant la puissance infinie de la Présence aimante qui consume inexorablement les émotions, les ressentis, les sentiments et les blessures à qui l’on ouvre tout grand son cœur!
La nature du vrai pardon!
Le pardon est un acte par lequel nous ouvrons les poings fermés retenant à l’intérieur de nos cellules notre ressentiment. De ce fait, nous faisons offrande, nous remettons, nous abandonnons totalement cette rancune à laquelle nous sentions que nous avions droit. Lorsque nous réalisons qu’il ne peut y avoir d’erreur puisque la Vie est Amour et lorsque nous prenons la responsabilité d’accompagner en Présence nos ressentis, nous cultivons notre terre intérieure afin que puisse fleurir en nous la nature du vrai pardon.
Au-delà des conditionnements, des jugements et des croyances limitantes, l’espace libéré peut alors se remplir de l’Amour inconditionnel que nous sommes et laisser place à la création intrinsèque d’une vie divinement nôtre. Émergent alors les prémisses d’une société plus consciente, de cette Terre Nouvelle à laquelle nous aspirons. À la lumière de nos réalisations et à la grandeur de nos cœurs, nous dévoilons ainsi la paix sur Terre, une conscience à la fois!
Notes :
[1] - Eckhart Tolle, Le pouvoir du moment présent, Éd. J’ai lu, 2019, pp. 52-58.
[2] - Della et Michaël, Et si j’étais la Vie?, par Della et Michaël, 2019, pp. 112-118.
Cet article a été publié dans la Revue du 3e millénaire, no. 153, automne 2024: Le Pardon - Une voix du lâcher-prise?
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