Sur l’illusion de posséder
De l’illusion d’être une personne séparée semble provenir l’illusion de posséder. L’utilisation des déterminants possessifs (mon, ma, mes) s’entoure souvent d’une aura d’affectation sérieuse. Lorsque l’on dit « ma voiture », « ma maison », « mon arbre », ou encore « mes enfants », « mon amoureux », « mon travail », s’élève une sériosité empressée. Et alors, me direz-vous, c’est bien « ma » voiture, c’est moi qui l’ai payée! Ce sont bien « mes » enfants, c’est auprès de moi qu’ils grandissent! Cet arbre, il pousse dans « ma » cour, il est bien à moi!
Lorsque je croise cette illusion de posséder, il me vient l’élan de la regarder avec une tendresse infinie car elle remplit plusieurs fonctions avantageuses pour le petit personnage qui se croit séparé. Ce dernier, soutenu par le trio corps-émotions-pensées, est programmé pour sa propre survie. Ainsi, l’illusion de posséder le rassure sur son avenir, sa valeur, sa viabilité, sa pérennité. Loin de lui reprocher sa vaillance, nous pouvons plutôt l’en remercier!
Du point de vue de l’Unité, il apparaît toutefois insensé de prétendre à quelque possession que ce soit! Pourquoi cela? En premier lieu, je suis tout cela! Je suis tout ce que je vois et tout ce que je ne vois pas, ce que l’on considère « vivant » ou « objet ». La conscience que je suis est en tout, elle n’exclut rien! Je suis vous, je suis moi, je suis l’arbre dans la cour, je suis la maison qui abrite mon corps la nuit! Les posséder serait me posséder moi-même, n’est-ce pas?
Par ailleurs, ce qu’on identifie comme étant « mes enfants, mon conjoint, ma maison » sont bien de passage, tout comme le trio corps-pensées-émotions qui me permet de vivre cette incarnation. Nous sommes la Source s’incarnant pour s’expérimenter elle-même et lorsque l’expérience se complète, la forme incarnée retourne à la Source. Tout naît, vit et meurt, à sa façon! Cet arbre qui me fait l’honneur de pousser dans la cour où je vis présentement, il est tout comme moi passager; comment pourrais-je le posséder?
Cela dit, je fais aussi partie des courants de la Vie qui influencent l’état des autres formes incarnées. Si je reprends l’exemple de l’arbre, il se pourrait que je sois un jour pour lui « l’accident » qui transforme son expérience. Il terminerait alors son passage sur Terre en feu de bois. Je suis Source incarnée qui s’expérimente elle-même et à cette fin, j’utilise ce qui m’entoure : la voiture, la maison, les êtres qui sont placés sur ma route. « Utiliser les êtres que j’aime? Comment le pourrais-je? », me direz-vous. Cela est possible, bien sûr, si l’on n’oppose pas systématiquement « utiliser » et « aimer » et si l’on n’accole pas au verbe « utiliser » cette connotation péjorative qu’on lui connaît parfois. Celui qui vient me « déranger », « m’utiliser », est partie prenante de cette expérience terrestre, tout comme moi. Nous nous servons les uns des autres pour grandir en conscience car telle est notre propension naturelle : nous dépouiller d’une vie à l’autre des illusions voilant l’amour pur que nous sommes. Ainsi pouvons-nous dire: « Je suis Source incarnée jouant à cache-cache avec elle-même et s’il est amusant de se cacher, il est d’autant plus réjouissant de se retrouver! »